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Une terre érotisée

Dernière mise à jour : 5 août


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La terre pulse d’une force vitale indomptable, à une échelle qui dépasse notre imagination.

Chaque être vivant vibre du désir de vivre et de perpétuer la vie. Chez l’être humain, ce désir s’exprime sexuellement et spirituellement, sans la moindre opposition.

Nos hiérarchies sociales et religieuses — toutes structures de pouvoir — ont cherché à contenir à la fois la sexualité et la spiritualité, perçues l’une et l’autre comme dangereuses pour ceux qui détiennent le pouvoir.

En conséquence, la femme a été avilie, et la terre dégradée. L’homme moderne s’est séparé de la vie elle-même.


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Un jour d’automne, tu t’allonges sous un immense ginkgo pour regarder ses feuilles dorées danser dans le vent.En fixant le ciel, sans objectif précis, tu ressens le mouvement de toutes les feuilles à la fois. Une bourrasque s’élève, et avec elle, une musique. Chaque feuille devient comme un roseau, sonnée par le vent selon sa propre fréquence. Il y a une harmonie suprême dans cette musique du vent qui joue sur les feuilles. Elle ne peut être réduite ni entièrement comprise, tout comme la forme de l’arbre lui-même. Sans explication, tu sais que tu es proche du Secret.


You dance around a circle and suppose,

while the secret sits in the center and knows (bless you, Robert Frost).


Envoûté, tu tombes dans ton rêve, éveillé. Une feuille dorée tombe. Tu es devenu de la taille d’une petite araignée, dérivant sur le dos de cette feuille. Tu atterris doucement sur la terre et te frayes un chemin dans la jungle des hautes herbes géantes. Puis, tu deviens une autre créature, puis encore une autre. Tu te retrouves à parcourir la terre, tantôt en volant, tantôt en nageant. Ton cadre de référence change sans cesse, au fur et à mesure que tu entres dans les corps d’innombrables espèces qui peuplent la planète.


Tu es une abeille, enfouissant ton nez dans le pollen exquis d’un iris.

Tu es un singe, balançant dans les cimes de la forêt tropicale.

Tu es un étalon, galopant à travers les vastes steppes balayées par le vent.

Tu es un dauphin, bondissant à la surface de la mer.

Tu es une hirondelle, fendant la brise du soir.

Tu es un aigle, planant au-dessus des sommets.


Partout où tu vas, et quelle que soit ta forme, la terre est intacte et d’une beauté à couper le souffle. Pas une goutte d’eau n’est souillée, et tu t’arrêtes pour boire profondément partout où tu en trouves. Sa beauté t’ensorcelle, à l’infini.

Quand tu reprends forme humaine, tu es d’essence masculine, et le seul sentiment que tu puisses vaguement comparer à celui de ton rêve est l’extase absolue que tu as parfois ressentie en présence du corps de ta bien-aimée. Elle est ton paradis, et tu ne pourrais concevoir rien d’autre, ni au ciel ni ailleurs, qui puisse lui être comparé.

Mais ton rêve lucide est celui de la terre, dans laquelle tu te délectes désormais. La terre elle-même est devenue érotisée pour toi.

Interloqué, tu te rappelles combien de religions ont promis quelque chose de meilleur que la perfection de la terre — cette gemme bleu-vert la plus splendide, suspendue dans l’obscurité de l’espace. Sous le règne de ces mêmes religions, la quête de domination de la nature a été servie par la science et l’industrie. Plusieurs images fulgurantes te saisissent.

Des images de déforestation massive, de terres ravagées et de décharges.

Des images d’immenses îlots de déchets et de poissons morts flottant dans les océans.

Des images de tes semblables survivant comme des vermines dans des villes de misère.

Des images de mines rejetant suie et pollution dans le ciel, souillant la pluie et la neige.

L’image de ta propre mère mourant d’une maladie moderne.

Tu émerges de ce rêve en sachant trois choses, au plus profond de ton être :

Tu vois maintenant que l’humanité a violé la terre. Elle l’a objectivée, dominée, souillée — comme l’homme l’a fait à la femme.

Tu sais désormais que le changement durable ne viendra que lorsque ceux qui souillent la terre prendront conscience de leur relation à elle.

L’amour, non la loi, inaugurera une civilisation humaine durable.

Tu sais maintenant que la terre elle-même est le plus précieux des trésors, supérieur en tous points à tout ce que tu as un jour appelé luxe. Toi, le rêveur lucide, tu as la vision de ce qui peut, et va, se manifester comme une nouvelle réalité. Tu n’es pas seul, mais ta maîtrise se limite à ta propre vie, à chaque instant et à chaque mouvement. Tu sais que cela n’est ni impuissance ni passivité, mais conscience que le petit peut vaincre le grand, que l’invisible peut surpasser le visible, que le liquide peut dissoudre le solide.

Ceci constitue un départ radical par rapport à notre manière habituelle de vouloir changer notre vie et notre monde. Par exemple, dans leur quête de sauver la planète, les écologistes ont tendance à diaboliser les pollueurs et les décideurs. Les « mauvais » pourront peut-être changer quelque chose, mais ce sera par peur ou par culpabilité, et donc rien ne changera fondamentalement.

Quand tu en viens à aimer la terre, il devient naturel pour toi de la préserver.

Notre civilisation dominante ne voit la terre que comme une ressource à exploiter.

Les hommes qui objectivent les femmes les violent. Les hommes qui aiment les femmes en sont incapables. Le premier et plus important changement qui doit survenir est un changement de perspective.


De la même manière, si tu essaies de changer une habitude personnelle simplement parce qu’on t’a dit qu’elle était mauvaise pour toi, il restera toujours une résistance, et le changement sera difficile à maintenir et moins efficace. Si tu apprends à prendre un grand plaisir dans une nouvelle habitude qui remplace l’ancienne (par exemple, une respiration consciente et profonde à la place du tabac), tu peux être sûr qu’elle perdurera.


Il y a les malheurs de forêts détruites, mais aussi les joies de jardins plantés.


Il y a des difficultés engendrées par la perspective de croissance zéro, mais aussi de nouvelles sources d’abondance.


Il y a des ravages causés par la pollution et l’épuisement, mais aussi des révélations d’interconnexion globale.


Nous pouvons vivre plus légèrement aujourd’hui, et de là viendra un avenir plus lumineux.

 
 
 

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